Kaelan (Détenu #13)

Ce n'est pas moi qui suis un criminel, c'est tout le monde autour de moi qui en est un.

Tout ce monde, ils sont tous pareils. Si facilement manipulable. Mais pourtant tous pareils. Tous aussi égoïste, aussi effrayés. Mais commençons par le commencement.

Mes parents étaient humains. Qui sait par quelle sorcellerie il a fallu que je naisse différent. Pourtant à la base, j'ai l'air de n'importe quel d'entre eux. Des cheveux blonds très pâle, des yeux gris très pâle, une peau parfaite... On aurait pu dire que j'étais né pour la royauté. Mais j'étais condamné, comme mes frères et soeurs, à rejoindre le travail aux champs pour cultiver les terres de notre seigneur.

Ou pas. Très jeune, mes parents ont réalisé que j'étais différent. Je suis un changeur de forme, un métamorphe. Je peux altérer mon apparence physique comme je le veux. Grandir, rapetisser, changer de sexe, vieillir, rajeunir, changer la couleur de ma peau. Tant que ça reste dans les mesures possibles du corps humains, je peux modifier mon apparence à volonté.

Au début, je m'amusais à changer d'apparence pour amuser mes frères et soeurs. Mais la société ne trouvait pas ça amusant. Je n'ai pas très bien compris pourquoi, à l'époque, les gens me jetaient des pierres quand je sortais de la maison. Ni pourquoi des hommes venaient souvent se disputer avec mes parents, et pourquoi ma mère pleurait tous les soirs. J'ai compris plus tard qu'on me considérait comme un monstre, comme un démon, et qu'on accusait ma mère de sorcellerie.

Je n'étais plus autorisé à sortir de la maison, ni à voir mes frères et soeurs. J'allais les contaminer. Et un jour, mon père m'emmena à la rivière, là où le courant est le plus rapide, et me poussa dans l'eau.

Ce n'est pas moi qui suit un criminel, c'est tout le monde autour de moi.

Je survécu à la noyade. Un enfant aurait eu de la misère à se battre contre le courant, mais avec le corps d'un adulte bâti et musclé, c'est moins problématique. Je savais par contre que je ne pouvais pas retourner au village. Je devais affronter le monde. Seul.

J'ai très vite compris que lorsqu'on est un enfant beau comme un chérubin, le monde entier se plis à nos demandes. J'ai passé de familles en famille, d'orphelinat à église. J'ai été adopté par des seigneurs, des chevaliers, des monastères. J'entrais dans un village sous les traits d'un enfant de 4 ou 5 ans, parfois fillette, parfois garçon, parfois brun, noir, roux, blond.

Mais toujours, ça tournait à l'enfer. Mais plus jamais, je ne retournai à la rivière. Un accident est si vite arrivé. Incendie, bousculade, poison, cheval fou. C'est si simple, faire disparaître quelqu'un, puis disparaître à mon tour. Et tout recommencer.

Quand quelqu'un a fini par comprendre mon manège, me retrouver et m'arrêter, je n'ai pas essayé de m'enfuir ou de me défendre. Peut-être que je suis juste las de chercher une famille qui m'aimerait comme leur enfant malgré tout.

Et maintenant, je suis dans cette prison. C'est pas si mal, je dois dire. Je peux toujours continuer à manipuler, charmer les gardes pour attirer leur attention et avoir ce que je veux. Ou m'amuser à me moquer d'eux pour passer le temps. L'ironie, c'est ce truc qui m'empêche d'utiliser mes capacités, faisant de moi un humain 100% ordinaire, sauf de temps en temps où je peux reprendre l'apparence d'un enfant si innocent et fragile. C'est si ennuyant, être un humain normal.